Elargissement : La France en faveur de négociations avec les pays candidats plus efficaces et tangibles

Mme Amélie de Montchalin a participé au Conseil Affaires générales qui s’est déroulé à Bruxelles le 19 novembre 2019.

Déclaration de Mme Amélie de Montchalin à son arrivée au Conseil Affaires générales (Bruxelles, 19 novembre 2019)

Mme Amélie de Montchalin : "Bonjour,

Voilà un nouveau Conseil Affaires générales qui commence. C’est un moment important parce qu’on va parler notamment d’élargissement. Je pense que c’est positif que la présidence finlandaise ait pu mettre ce point à l’agenda. C’est pour moi important qu’on puisse avoir une discussion apaisée autour de propositions après les débats du mois dernier. Donc la France a mis sur la table une nouvelle proposition de méthodologie pour qu’on puisse avoir des négociations avec les pays candidats qui soient plus efficaces, plus tangibles, au fond qu’on ait quatre principes.

D’abord que cela soit plus graduel, que les politiques européennes soient accessibles à ces pays au fur et à mesure des négociations. Qu’on ait un processus vraiment rigoureux, c’est-à-dire qu’on regarde vraiment la convergence concrète, économique, sociale qu’on arrive à créer, pas juste la convergence juridique. Que ce soit un processus qui puisse donc être concret pour les citoyens et qui puisse être réversible c’est-à-dire que si on voit que les mesures, les réformes ralentissent ou s’arrêtent, et bien qu’on puisse prendre des décisions pour que nous-mêmes, les politiques européennes n’aient pas le même impact dans ces pays et que les gouvernements soient dans un pilotage beaucoup plus politique et resserré. Ce qui est intéressant c’est que cette proposition la France l’a faite depuis quelques mois, a eu des échanges avec la Commission, va poursuivre son travail, c’est vraiment une proposition à discuter et aujourd’hui, il y a six pays notamment l’Italie, l’Autriche, la Slovénie, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne qui ont exprimé également leur souhait de voir avec la Commission des travaux se poursuivre pour que ce processus de négociation soit au fond plus efficace. Aujourd’hui, on a une forme de frustration, on l’a vu avec la Serbie, le Monténégro, cela fait des années qu’ils négocient déjà et il n’y a ni de progrès concrets sur le terrain, on voit qu’il y a d’ailleurs une émigration, une fuite des cerveaux qui continue et puis on a au niveau européen une forme de lenteur qui s’est instaurée qui n’est pas satisfaisante. Pour nous, la discussion qu’on va avoir c’est vraiment une discussion constructive pour qu’on arrive d’ici au Sommet de Zagreb à avoir mis ensemble sur pied une procédure qui soit plus efficace.

Autre sujet dont on va parler aujourd’hui, ce sont les sujets sur l’état de droit. Il y a un lien évident avec les sujets d’élargissement. On a aujourd’hui, à l’initiative de la présidence finlandaise un débat extrêmement important sur nos modalités de dialogue et comment on organise entre Etats membres, avec la Commission, une procédure qui nous permet de sortir du sentiment d’illégitimité que certains pays membres invoquent quand nous discutons de ces sujets. C’est au cœur au fond de la confiance des Européens pour le projet européen. L’état de droit c’est ce qui nous protège de l’arbitraire, c’est ce qui nous protège de règles qui soient prises pour des raisons politiques, pour des raisons individuelles. L’état de droit c’est ce qui fait qu’on peut avoir sur notre continent une forme de protection à titre individuel, sur le fait que l’on ne soit pas soumis à des règles dont on ne connaitrait pas l’origine ou qui changeraient. Et donc c’est essentiel qu’on puisse protéger cela et avoir ce que l’on appelle un dialogue annuel de l’état de droit qui soit beaucoup plus ouvert, qui s’appuie sur des sources d’information crédibles, légitimes, notamment du Conseil de l’Europe, qui sur ces sujets-là est légitime, jamais contesté et que nous puissions avancer.

On va bien sûr avoir un débat sur le budget européen en vue du Conseil européen de décembre. Les priorités française sont connues, c’est d’abord l’ambition climatique, c’est ensuite de soutenir nos agriculteurs parce que c’est un enjeu de souveraineté, essentiel, que les Européens puissent s’alimenter avec des produits qui viennent de notre continent, avec des normes qui soient les nôtres, qui puissent aussi accompagner la transition écologique. C’est ensuite les ressources propres parce qu’on voit bien qu’on ne peut pas demander uniquement aux contribuables de tous les pays d’alimenter ce budget et on voit que ce soit sur la pollution, sur ce qu’on appelle le mécanisme d’inclusion carbone aux frontières ou bien la taxe digitale, on a beaucoup de ressources qu’on peut mobiliser pour les Européens qui ne portent pas sur les ménages et les entreprises qui sont déjà sur notre sol et puis bien sûr les conditionnalités. Un budget c’est un outil politique et donc il faut qu’on puisse là-aussi allier les fonds européens avec une ambition que ce soit sociale, fiscales, état de droit et donc c’est de tout cela que nous allons pouvoir échanger aujourd’hui.

How do you respond to critics to say that it is unfair to change the enlargement process in the middle of the game ?

Mme Amélie de Montchalin : Je vais vous répondre en français. On n’est pas en train de changer les règles au milieu d’un jeu qui aurait déjà commencé. Aujourd’hui, on voit que cela ne fonctionne pas. Cela ne fonctionne pas parce que c’est extrêmement lent, c’est extrêmement frustrant pour ceux qui participent à l’exercice. Ce n’est pas un exercice qui est politiquement piloté, il y a une forme d’automaticité et surtout, ce qui est pour moi l’essentiel c’est que les populations des Etats qui sont en cours de négociation n’y trouvent pas leur compte. Quand vous voyez les chiffres de l’émigration, de la fuite des cerveaux des pays, que ce soit la Serbie, le Monténégro, de la Roumanie ou de la Bulgarie quand ils négociaient, de la Croatie, vous voyez bien qu’il y a un enjeu qui est que le but ce n’est pas d’envoyer un questionnaire et d’entrer dans une discussion juridique. Bien sûr que l’élargissement a une partie juridique mais on est en train de parler de convergence économique, sociale, culturelle, de s’assurer qu’on a un vrai développement. Et donc tout ce que nous proposons, c’est que plus rapidement, au fur et à mesure des discussions, les Etats candidats, avant d’accéder au Conseil, d’avoir une participation politique, puissent bénéficier du soutien économique des politiques européennes. Ceux qui vous disent que l’élargissement c’est la réponse aux influences étrangères, de puissances extérieures qui viendraient dans les Balkans, on ne peut pas répondre à cette influence si on n’a pas d’outils concrets. On ne peut pas répondre à ces influences si la seule chose qu’on dit c’est « on vous envoie un questionnaire, dites-nous comment vous recrutez vos fonctionnaires et comment vous organisez vos marchés publics ». Entre temps, les investissements sont faits par d’autres. Donc si on n’a pas un soutien sur l’innovation, sur le développement territorial, sur les développements industriels, sur le développement agricole, sur le développement universitaire, l’Europe peut discuter avec les services juridiques, peut faire de l’administratif, mais localement, les populations ne trouvent pas leur compte et il y a une forme de fatigue de ces négociations qui ne produisent pas de résultats concrets pour ceux que ça concerne a priori qui sont les citoyens. C’est une proposition vraiment qui est à discuter. Je crois qu’il y a au fond un diagnostic qui est assez partagé sur le fait que ce qui a commencé en Serbie et au Monténégro, c’est bien sûr un processus qui est tout à fait légitime mais qui on le voit bien, a des faiblesses. Donc, c’est sur cela qu’il faut qu’on puisse être lucides. Si d’ailleurs la Serbie et le Monténégro veulent rentrer dans cette nouvelle dynamique que l’on aura créée, je pense qu’on sera tout à fait prêts à en discuter. Il y a bien sûr des discussions techniques à avoir. Là pour nous c’est une proposition politique pour qu’on recadre ce processus de négociation et qu’on le rendre plus efficace, plus concret, je l’ai dit plus rigoureux, réversible et qu’au fond on recrée de la confiance et du côté des Européens et de la part des populations des Etats membres.

And now you have the support of Denmark for this proposal but do you have all other support of any other countries ?

Mme Amélie de Montchalin : Cette proposition a été discutée, elle a été proposée, et il y a eu énormément de concertations. Cela fait plusieurs mois que personnellement avec le Président on en parle. On a mis sur le papier des choses sur lesquelles on sait qu’on a autour de nous du soutien. Je crois que dans la pièce dans quelques heures, il y aura des soutiens exprimés. Il y a des pays comme notamment les Pays Bas, le Danemark qui sont très proches de nos vues mais ce qui est intéressant c’est que ce matin, vous avez des positions publiques de l’Autriche, de la Slovénie, la Slovaquie, la République tchèque, la Pologne, l’Italie qui appellent eux aussi la Commission à faire des propositions qui soient dans une optique d’avoir une procédure qui apporte plus de résultats, qui soient plus efficaces, qui soient plus tangibles donc qui ont une forme de convergence avec ce qu’on propose. Nous, on a fait un travail un peu plus technique, un peu plus précis, mais tout cela est fait pour d’abord être discuté, bien sûr c’est la Commission qui doit mettre sur la table des propositions. On pense que c’est des choses qui peuvent se faire à traité constant. Donc on est vraiment dans un mandat de négociation et qu’on cherche à rendre plus efficace. Il y aura bien sûr des discussions techniques, mais ce qui compte pour moi c’est qu’on ait un débat apaisé et un débat concret, qu’on sorte des grandes postures, et qu’on se pose des questions sur au fond à quoi ça sert, quel objectif on poursuit, et surtout comment on soutient les citoyens de cette région des Balkans qui attendent énormément de l’Europe, mais ils n’attendent pas qu’on leur envoie des questionnaires, ils attendent d’en retirer des bénéfices concrets dans leur vie quotidienne et c’est là-dessus qu’il faut qu’on travaille.

Quick question about the budget, what do you think of the Danish and other countries [inaudible] of the 1% of the GNP ?

Mme Amélie de Montchalin  : Sur la position de certains Etats membres qui veulent se cantonner à un budget d’1%. Je dis attention parce qu’il y a deux discussions dans la discussion. 1% cela peut être la contribution nationale, cela peut être ce qu’on prélève sur la richesse d’un pays par les impôts payés par les Néerlandais, les Suédois, les Français. Puis, il y a la taille du budget lui-même. Le budget peut être complété par des ressources propres européennes. Quand je vous dis qu’on fait un mécanisme inclusion carbone aux frontières, cela peut compléter les droits de douane que l’Europe prélève déjà. Si on taxe le plastique non recyclé, c’est une collecte qui ira directement dans les caisses européennes. Si on se fonde sur un marché ETS qui puisse alimenter le budget, on est en train de compléter le budget européen non seulement des contributions nationales mais aussi des ressources propres. Donc je pense qu’il ne faut pas confondre les deux débats, il y a combien on demande aux pays de verser au budget européen, et cela peut être 1% ; et il y a comment on construit un budget qui peut être alimenté d’autres sources de financement. Donc c’est là-dessus qu’on a des échanges. Hier, avec le Président on a eu cet échange-là avec la Première Ministre du Danemark, et moi c’est une des propositions que je fais à l’intégralité de mes homologues, parce que je pense qu’il y a là une position qui peut permettre un équilibre, dans une discussion qui sinon où certains vous disent c’est 1 et d’autres vous disent que ce soit plus donc on ne voit pas très bien comment on s’en sort. Donc je pense qu’il faut respecter, et c’est légitime, que des pays vous disent « nous, c’est difficile d’imaginer créer beaucoup plus d’impôts sur nos contribuables nationaux » mais comme on a aussi des vraies nouvelles ambitions, parce qu’on veut s’occuper de manière beaucoup plus active de défense, qu’on veut s’occuper de manière beaucoup plus active de recherche, on voit sur le sujet migratoire on veut s’y investir, il faut qu’on trouve d’autres ressources. On peut parler aussi du digital, on peut parler aussi de la taxe sur les transactions financières. Donc si on réfléchit uniquement avec des contributions nationales, effectivement je pense qu’on est dans un débat qui est très difficile. Voilà comment je vois les choses. Merci"./.

Déclaration de Mme Amélie de Montchalin à l’issue du Conseil Affaires générales (Bruxelles, 19 novembre 2019)

Mme Amélie de Montchalin : "Nous venons de terminer cette journée de Conseil affaires générales. Beaucoup de discussions sur l’Etat de droit, sur le budget européen, sur le conseil européen de décembre et à l’instant sur l’élargissement. Ce qui est très intéressant c’est que nous venons d’avoir une unanimité dans une discussion très apaisée, très unifiée sur la nécessité de rappeler un certain nombre de principes. D’abord que le fait que la perspective européenne des Balkans occidentaux n’est pas remise en question, qu’elle est souhaitée, qu’elle est défendue et que c’est un point de départ sur lequel nous sommes tous d’accord.

Deuxième principe sur lequel il y a une unité, c’est la demande formelle par les Etats membres, le Conseil, de voir la Commission travailler pour janvier 2020 à des propositions pour améliorer le processus de négociation pour le rendre plus efficace, pour le rendre plus lisible, pour le rendre plus concret et donc les propositions principales que nous avons faites ont été reprises pour la Commission en tant que travail. C’est à elle maintenant de faire des analyses techniques, de pouvoir créer une proposition qui soit équilibrée mais c’est un message commun, de tous les Etats membres aujourd’hui pour que la Commission puisse travailler en ce sens.

Autre message commun, c’est que nous demandons aux Etats de la région de continuer les réformes. Tout cela doit se passer en parallèle, les réformes dans la région, les réformes du processus lui-même et puis nous préparer collectivement à ce que nous ayons comme cela a été dit au Conseil européen, au printemps prochain 2020, des discussions qui puissent se tenir sur la base également c’est ce qui a été demandé, c’est que nous puissions avoir un point d’étape formel de la Commission sur les réformes menées en Macédoine du Nord et en Albanie, que nous ayons un nouveau point d’étape formel en 2020. Je note, qu’il y a un mois, on décrivait une Europe divisée et un débat sur lequel nous aurions eu une position de véto. Ce que j’entends aujourd’hui c’est qu’il y a bien, comme je l’avais dit à la sortie du Conseil il y a un mois, plusieurs positions, mais une unanimité et un travail collectif et un message unifié sur les points sur lesquels je viens de revenir.

Est-ce que sur les propositions que la France a fait c’est quelque chose qui devrait être appliqué aussi pour les pays qui négocient déjà comme la Serbie et le Monténégro….

Mme Amélie de Montchalin : C’est là-dessus qu’il faut qu’on travaille. Je crois que les pays pourraient être intéressés si cette méthodologie nouvelle est proposée par la Commission. Je crois que les pays actuels, la Serbie et le Monténégro notamment, pourraient vouloir entrer dans ce processus. C’est une décision qui leur appartient, c’est une décision qu’il faut avoir avec la Commission. C’est un peu tôt de leur demander puisque nous n’avons pas de mandat formel sur la table. Mais une fois que la Commission aura pu faire ses propositions je pense qu’il y aura matière à discuter de cela avec eux. C’est un choix qui est le leur et qui doit être fondé sur la base d’une réelle proposition, pas juste, ce que nous, nous avons mis sur la table aujourd’hui qui est une proposition politique, principale mais qui a été maintenant remis à la Commission formellement pour qu’elle puisse travailler d’ici janvier 2020. Je vous remercie./.

Dernière modification : 19/11/2019

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